dimanche 20 mars 2011

Voici un petit exercice intéressant à réaliser avec les élèves pour les amener à reconsidérer la technolgie (Low-tech) dans un contexte de réalisation différent.


En partant de leur horoscope du jour, les élèves réalisent 5 petites créations en utilisant des feuilles actétates, du papier photo, du papier de soie coloré, de la dentelle, de petits sacs ziploc avec du colorant, etc.


En voici des exemples...




Capsule sur l'art d'appropriation dans les arts médiatiques


ART D'APPROPRIATION : Recyclage culturel

Verwoet, Jan. «Apropos Appropriation» Tate Triennial: New British Art
Wees William. «In the Domain of Montage: compilation, Collage, Appropriation» and «Epic Collage» Recycled Images: The Art and Politics of Found Footage Films.


L'art d'appropriation questionne le spectateur sur la valeur d'une oeuvre d'art. Il y a toutefois un aspect selon moi qui différencie le remix du collage, c'est la propriété intellectuelle. Tant le remix que le collage peut emprunter son contenu à une oeuvre déjà existante (image, musique, vidéo), mais je crois que la propriété intellectuelle devient un questionnement beaucoup plus important dans une oeuvre issue du remix.


Quelle est la différence entre Appropriation et Remix
  • L'artiste modifie la référence, la source de l'oeuvre lorsqu'il fait un remixage de l'oeuvre originale. Le remix est uniquement possible avec la technologie.
  • L'appropriation ne nécessite pas l'intervention de la technologie puisque l'artiste reproduit la référence intégralement sans la transformer.


Citations d'artistes à propos de l'appropriation dans l'art:

William Wees:
Auteur de ‘In the Domain of Montage’

William Wees définit l'art d'appropriation comme suit: 

            «the juxtaposition of different images which have been removed from their original context and placed within a new environment»

            «appropriation art does not go as far as collage art in that it does not encourage an analysis of the image and its representation»



À la Court Suprême de Justice lors du cas Belistein contre Donaldson, Olivier Wendell Holms a déclaré :

            «Others are free to copy the original. They are not free to copy the copy… The copy is the personnal reaction of an individual upon nature.»


DJ Spooky:

«unlimited remix» is «the artistic and political technique of our time»



 Certaines oeuvres intéressantes à considérer dans le contexte de l'art d'appropriation:


Michael Mandiberg                            Concept of unlimited edition
AfterSherrieLevine.com                  Copy of a copy
2001                                                   Collective + collaborative authorship

Sherrie Levine                                    Levine took photographs directly out of Evans’ book
AfterWalkerEvans.com                  Original Copy

Marcel Duchamp
Fountain
1917
Readymade

Sherrie Levine
Fountain (after Marcel Duchamp: A. P.)
1991

Mike Bidlo
Not Warhol (Brillo Boxes, 1969)
1991

Olivier Wendell Holms:

Petite leçon de typographie

Voici une vidéo que j'ai réalisée à l'aide d'un rétroprojecteur et d'acétates dont le montage a été fait sur le logiciel I-Movie. Cette petite leçon sert de soutien à ma situation d'apprentissage et d'évaluation «Affiche-toi».  Située à mi-chemin entre la vidéo artistique et pédagogique, elle explique brièvement ce qu'est la typographie, décrit l'anatomie d'un carcatère et cite les classifications générales de caractère.


Bon visionnement!


La culture masse-média au défi de l'art contemporain

La culture masse-média au défi de l’art contemporain

            Plusieurs courants artistiques ont modelé le cheminement de l’art et de ses limites dans l’histoire de l’art à travers les siècles, certains courants étant plus ou moins influents, d’autres plus ou moins controversés. Le 21e siècle est marqué par un courant artistique dont la définition est un concept qu’il est encore difficile à établir clairement.  Dans une ère où les médias jouent un rôle primordial dans la communication, la technologie a offert aux artistes les outils nécessaires à l’émergence d’un art nouveau. Comme le souligne Edmond Couchot, «Les Médias apparaissent comme l’un des aspects les plus spécifiques de la culture contemporaine»[1]. Ils ont tout d’abord permis de briser les frontières de la circulation de l’information et ont ainsi mené à une globalisation qui a marqué l’art contemporain de façon définitive. Ces deux aspects importants de la création, soit l’art média et le mélange culturel, ont mené à une multitude d’artistes et d’œuvres stimulantes. Candice Breitz est une de ces artistes qui furent très influencées par leurs expériences culturelles personnelles.  Son enfance passée en Afrique du Sud et l’expérience qu’elle en a tirée furent un moteur important dans son cheminement artistique personnel.
« Breitz recalls the sens of alienation that she experienced in relation to the broad array of languages that could be heard completely opaque to a white South African child. Interestingly, explorations of the confrontational nature of speech and language have been prominent in her work (…). »[2]


            Dans sa démarche artistique, l’artiste puise son matériel au cœur même de la culture populaire, soit dans les magazines, les cartes postales, le cinéma, les vidéos de musique, etc.  Son travail est grandement constitué d’appropriation, de «copier-coller», et cette logique est délibérément mise en évidence.  Dans ses travaux plus récents, Breitz s’approprie des segments de grands succès hollywoodiens et manipule le jeu des acteurs pour amener un nouveau contenu au montage.  Son œuvre Soliloquy Trilogy (2000) est un assemblage cinématographique percutant qui allie l’utilisation des médias dans un contexte de mélange culturel afin de livrer une idée renouvelée et distincte de l’œuvre originale. Cette série est composée de trois films connus du cinéma américain, soit  Dirty Harry, qui met en vedette Clint Eastwood, The Witches of Eastwick avec Jack Nicholson et Basic Instinct avec Sharon Stone. En utilisant ce matériel comme point de départ, Breitz découpe et conserve seulement les segments où l’acteur principal parle, soupir ou produit quelque bruit vocal que ce soit, pour les assembler ensuite en ordre chronologique. Le plus long film n’étant à peine plus de 14 minutes, la création finale  est ainsi un flot de paroles incohérentes et sans réponses qui souligne l’artifice dans le jeu des acteurs.
            Soliloquy Trilogy est ainsi une œuvre née du recyclage de la culture populaire qui questionne les fondements d’une identité culturelle au dépend de l’identité individuelle. En remaniant les échantillons de film, l’artiste y impose aussi un nouveau sens distinct et transporte l’œuvre cinématographique d’un stade passif à un discours actif avec le spectateur qui tient alors un rôle important dans l’œuvre. Par son appropriation de segments d’œuvres cinématographiques, l’artiste défie ensuite les limites de la propriété privée comme source matérielle et questionne l’aspect légal d’une telle utilisation.


            Tout d’abord, Soliloquy Trilogy présente un aspect très important à considérer lors de son analyse, soit la réutilisation d’échantillons de films populaires.  La source matérielle constitue l’essence même de l’œuvre d’art par son histoire, son pouvoir et ses caractéristiques typiques.  En effet, Breitz utilise judicieusement la force des icônes qu’elle met en scène et manipule leur langage pour livrer un message qui lui est propre.  Ayant elle-même découvert dans son quotidien et apprécié les pièces populaires qu’elle met en scène dans son travail, l’artiste dévoile dans son travail une relation particulièrement ambiguë avec les superstars et leurs performances. Comme l’explique Marcella Beccaria dans son analyse du travail de Candice Breitz, l’artiste questionne d’une part les liens entre le langage et la formation d’une identité et d’autre part, elle interroge le pouvoir du rôle de la culture populaire dans une expérience contemporaine.[3]  Cette technique est aussi utilisée par d’autres vidéastes qui critiquent les médias à l’aide d’images provenant de la culture populaire.  Selon Michael Rush, Nam June Paik et son œuvre Global Groove (1973) figure également parmi les artistes dont l’art vidéo est principalement consacrée à la critique du fonctionnement de la télévision et des autres médias de masse : «En se façonnant une nouvelle identité à l’aide de ce médium, nombre de vidéastes réagissaient aux identités populaires véhiculées par la télévision et la publicité.»[4] Voilà un lien intéressant avec l’œuvre Becoming de Candice Breitz qui emprunte littéralement les mimiques des actrices dans son interprétation de leurs plus grandes scènes cinématographiques afin de souligner la superficialité des icônes qui nous sont proposées, un concept qu’elle met également en évidence dans Soliloquy Trilogy.  Breitz utilise dans son oeuvre le pouvoir des icônes et retourne cette arme contre la culture populaire pour souligner la faiblesse de ce qui nous est imposé comme idéals. Christine Ross a une position intéressante ce manque de profondeur dans l’image postmoderne qui nous est offerte et elle nous propose un discours qui permet de mieux saisir l’enjeu de cette réalité :
«La perte de sens proviendrait du renforcement du signifiant opéré dans les productions culturelles actuelles, ce qui entraînerait pour le spectateur une coexistence d’intensités contradictoires comme l’anxiété, l’euphorie et l’hallucination. La surface (...) est une erreur de sens, le résultat d’une illusion, la vision troublée du réel. Et cette image-effet (...) est d’autant plus séduisante et séductrice qu’elle est le produit d’un capitalisme de consommation.»[5]



Le recyclage culturel et la distorsion du matériel est donc un aspect primordial dans l’œuvre de Candice Breitz qui lui permet de souligner l’artifice dans les icônes culturelles et de questionner la valeur des messages qui nous sont véhiculés par les médias.

            Ensuite, la nature de l’expérimentation de Breitz dans l’œuvre Soliloquy Trilogy requiert la réaction du spectateur dans l’efficacité de son message. L’œuvre prend son sens dans la relation entre le spectateur et la source matérielle originale et défie ainsi le rôle passif habituellement attribué au spectateur dans la culture populaire. Effectivement, Candice Breitz fait référence à l’expérience culturelle quotidienne du spectateur en amplifiant et en concentrant le contenu qui lui est retourné sous sa forme la plus déraisonnable. L’appropriation de matériel cinématographique est un élément essentiel dans Soliloquy Trilogy ainsi que dans une majorité des œuvres de Breitz, il est donc primordial de réfléchir à l’impact d’une telle pratique sur le spectateur. Bernard Piton nous offre dans son écrit sur le plagiat et la citation trois possibles réactions de la part du spectateur face à une telle appropriation; soit le rejet parce que le lecteur voue trop de respect à l’œuvre originale pour admettre qu’on puisse ainsi la corrompre, soit l’acceptation parce que le spectateur ressent une complicité avec les intérêts de l’artiste qui cite l’œuvre originale, soit l’indifférence même si le spectateur a reconnu l’œuvre originale parce qu’il la considère comme une propriété commune que l’artiste peut utiliser comme bon lui semble.[6] Ces différentes possibilités doivent donc être dûment réfléchies lorsque l’appropriation tient un rôle aussi important dans une œuvre telle que Soliloquy Trilogy. Comme le catégorise Nicholas Bourriaud, cette considération particulière de Breitz confirme la relation de son art avec la «culture de l’usage» ou la «culture active» et s’explique par le rejet du spectacle et du visionnement passif.[7] En insistant sur la précision dans l’affichage de la courte durée des montages, l’artiste insiste aussi sur la caractéristique des films à grand succès selon laquelle la majorité de l’œuvre est créée pour être simplement regardée par le spectateur. Cet opinion est aussi partagé par Edmond Couchot qui affirme que les médias ne laissent passer leur message que dans un sens à la fois, soit de l’émetteur au récepteur et que cette communication est un phénomène alternatif à sens unique dont les idées sont véhiculée par des médias qui ne sont pas neutres puisqu’ils interfèrent sur les messages pour y surimposer leur propre sens.[8]  On peut donc refléter cette explication dans la situation de l’œuvre cinématographique populaire qui, par son statut iconique, transmet un message d’idéal dont la valeur est grandement amplifiée par le média; soit l’écran géant du cinéma et la grandeur de la salle, la publicité pour le film, la publicité pour les icônes, etc.  Le spectateur, réceptif,  reçoit passivement ces idées qui lui sont imposées. Breitz prend alors la responsabilité par son art de changer cette caractéristique première des médias, pousse le spectateur à réagir devant une amplification de ce phénomène et l’invite à remettre en question la valeur de l’identité qui lui est proposée par les médias.  Cette réaction vive de l’artiste par la provocation inévitable inclue donc l’œuvre Soliloquy Trilogy dans ce qui est classifié l’«art actif» et démontre que Breitz s’impose assurément dans le message des médias.

            Un autre phénomène primordial à considérer dans l’œuvre Soliloquy Trilogy est son emprunt important à d’autres œuvres protégées par des droits d’auteur. Cet affront ajoute un renforcement décisif à son message et réitère l’intention de l’auteur de descendre l’icône de son piédestal.  Comme le souligne Jennifer Allen, les mots écrits peuvent être cités à répétition de façon légale alors que la citation d’images est soumise à de strictes régulations dont l’utilisation engendre souvent des frais.[9] Cette particularité de l’image culturelle est un enjeu que Breitz défie dans son art;
 «As such, Breitz’s interventions, which are executed without permission, lie precariously on the edge of legality. Her work not only manifests the ominous transfer of our cultural imaginary into photographs and onto film, video and television, but also underscores our inability to freely access the resultant images for our own pleasure and use. »[10]

Marie-France Chambat-Houillon et Anthony Wall offrent dans leur ouvrage Droit de citer une opinion intéressante sur le fonctionnement de la citation lorsqu’ils expliquent que l’artiste qui cite émet par le fait même un commentaire sur ce qu’il cite et l’«intériorise» ou l’«internalise» dans un nouveau réseau de significations.[11] Voilà précisément la raison d’être de l’œuvre Soliloquy Trilogy. Cependant, même si l’utilisation d’un tel matériel cinématographique se prouve tout à fait pertinent, l’aspect légal n’en demeure pas moins un enjeu capital.   Candice Breitz compare sa production à celle des deejays qui utilisent les mêmes techniques d’échantillonnage pour créer de nouvelles compositions et elle se défend de cette utilisation en plaidant le droit de la «propriété commune» selon lequel le spectateur achète ses droits chaque fois qu’il consomme les biens offerts par les médias.[12] Il est donc possible de prêter les intentions de Breitz à un désir de redonner un pouvoir au spectateur dans une prise de conscience individuelle et collective.

            Candice Breitz utilise donc des outils puissants tels que les médias et la culture populaire afin de faire passer une idée percutante.  Edmond Couchot résume bien l’importance des médias dans le travail des vidéastes comme Candice Breitz qui recyclent le matériel populaire de la culture médiatique lorsqu’il affirme que la culture mass-médiatique est devenue la source d’inspiration essentielle[13].  Soliloquy Trilogy questionne les fondements de cette identité culturelle au dépend de l’identité individuelle en recyclant les icônes qui sont véhiculées par la culture populaire. Là où l’œuvre prend toute sa force est dans sa technique d’assemblage, de «copier-coller», qui est mise en évidence.  Cette distorsion du langage original crée un nouveau message qui percute le spectateur par sa superficialité et son incohérence. Breitz affirme elle-même avoir réalisé le pouvoir qu’elle détenait en tant que consommatrice des médias lorsque la technologie de Sony et Betamax lui permit de faire la découverte suivante,
«the discovery that information needed not be digested whole and in the form in which it is received, the discovery that rather than passively absorbing the media, one could pick and choose, fast forward and rewind, actively cut and paste as story of one’s own making».[14]

C’est donc de cette façon que l’artiste prend position dans le monologue qu’elle reçoit des médias, transporte le spectateur d’un stade passif à une prise de conscience active et impose un nouveau sens distinct de l’œuvre originale. En défiant les limites de la propriété privée comme source matérielle et la légalité d’une telle utilisation, Candice Breitz livre un message puissant et lance une question au spectateur qui doit cette fois-ci tenir le rôle d’un récepteur actif. En réalisant que nous tenons de plus en plus notre identité, nos manies et nos expressions de nos parents mais aussi grandement de l’influence des médias, l’artiste réagit à cette invasion de la culture populaire dans notre éducation.  En offrant un portrait inconfortable de la culture populaire qui nous influence, Candice Breitz pose la question suivante; alors qui sommes-nous?





[1] Couchot, Edmond. «Médias et immédias». Connexions art réseaux médias. École nationale supérieure des beaux-arts. Paris, 2002. 186.

[2] Beccaria, Marcella. «Process and Meaning in the art of Candice Breitz». Candice Breitz. Castello Di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea. Skira Editor. Italy, 2005. 19.

[3] Beccaria, Marcella. «Process and Meaning in the art of Candice Breitz». Candice Breitz. Castello Di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea. Skira Editor. Italy, 2005. 22.
[4] Rush, Michael. «Esquisse d’une histoire». l’art vidéo. Éditions Thames & Hudson. Londres, 2003. 20.

[5] Ross, Christine. «Profondeur absente de la postmodernité» (Ch. 4). Images de surface : L’art vidéo reconsidéré. Bibliothèque nationale du Québec, Éditions Artextes. Québec, 1996. 27.
[6] Piton, Bernard. «Plagiat et citation». Art et Appropriation. Ibis Rouge Editions. Pointe-à-Pitre, 2005. 29-42.

[7] Bourriaud, Nicolas. «Post-Production: The Soliloquy Trilogy». Candice Breitz: Cuttings. Exhibition catalogue. Éditions Martin Sturm and Renate Plöchl. Linz: O.K Center for Contemporary Art Upper Austria, 2001. 1.
[8] Couchot, Edmond. «Médias et immédias». Connexions art réseaux médias. École nationale supérieure des beaux-arts. Paris, 2002. 188.

[9]-10 Allen, Jennifer. «Candice Breitz: From A to B and Beyond». Candice Breitz: Re-Animations. Éditions Suzanne Cotter. Exhibition catalogue. Oxford: Modern Art Oxford, 2003. 8.


[11] Chambat-Houillon, Marie-France. Wall, Anthony. «Citer des images». Droit de citer. Éditions Bréal. France, 2004. 85.

[12] Beccaria, Marcella. «Process and Meaning in the art of Candice Breitz». Candice Breitz. Castello Di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea. Skira Editor. Italy, 2005. 25.

[13] Couchot, Edmond. «Médias et immédias». Connexions art réseaux médias. École nationale supérieure des beaux-arts. Paris, 2002. 188.

[14] Beccaria, Marcella. «Process and Meaning in the art of Candice Breitz». Candice Breitz. Castello Di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea. Skira Editor. Italy, 2005. 25.

Candice Breitz: images infectées

Candice Breitz est une artiste s’illustrant depuis près d’une quinzaine d’années avec une grande variété d’installations vidéo et de photos qui  transmettent  un message critique sur la façon dont la société interprète les stéréotypes.  Plus précisément, elle questionne les propriétés narratives des grandes productions cinématographiques et jette ainsi un regard critique sur la culture populaire. En 2000, l’artiste crée la série Soliloquy Trilogy, qui est composée de trois films connus du cinéma américain, soit  Dirty Harry, qui met en vedette Clint Eastwood, The Witches of Eastwick avec Jack Nicholson et Basic Instinct avec Sharon Stone. En utilisant des films connus comme point de départ, Breitz découpe et conserve seulement les segments où l’acteur principal parle, soupir ou produit quelque bruit vocal que ce soit, pour ensuite les assembler en ordre chronologique. Le plus long film n’étant à peine plus de 14 minutes, la création finale  est ainsi un flot de paroles incohérentes et sans réponses.  Cette œuvre était présentée sur grand écran dans une chambre isolée, dans une galerie qui accueillait d’autres travaux de l’artiste.
            L’aspect du recyclage culturel qui ressort de ce travail et de sa création générale est un élément primordial à considérer.  L’artiste utilise de manière flagrante les icônes culturelles d’une société pour en retirer les artifices et remettre en question la nature du lien que le public entretient avec ces éléments.  La valeur de son travail prend source au cœur même de l’identité sociale qui est grandement définie par la culture populaire. Sa création n’a alors de sens que lorsqu’elle entre en lien avec le spectateur, tout comme le statut des vedettes qui se nourrit du fanatisme du public. La démonstration des référents culturels à leur plus simple expression défie le spectateur et son expérience personnelle et engendre ainsi un dialogue inévitable entre lui et l’œuvre.
            Cette réflexion sur la création de Candice Breitz est très riche en information sur les concepts qui se trouvent dans les productions de l’artiste. Jennifer Allen revisite son œuvre en prenant soin de bien la situer par rapport à d’autres artistes, courants ou personnalités qui se sont démarqués en élaborant sur des concepts semblables. Une première comparaison entre la série Face Farces, 1969-1975, de l’artiste Arnulf Rainer et Becoming, 2003, de Candice Breitz permet de comprendre le désir de Rainer de socialiser ces images et celui de Breitz de résister à l’esthétique commune aux produits de consommations.[1] Cela éclaircit le rapport que son œuvre entretient avec le recyclage culturel des films hollywoodiens.  L’auteur compare ensuite le désir de Lejzer Ludwik Zamenhof, 1886, de créer un langage libre de contraintes sociales et le compare aux œuvres de Breitz qui défient le langage cinématographique habituel. Cet aspect est intéressant à considérer en lien avec l’interactivité du spectateur lors des dialogues entre lui et l’œuvre de Breitz.

            Dans ce texte, Nicolas Bourriaud explore le thème de la postproduction, et plus particulièrement dans le cas de Candice Breitz, l’utilisation de grandes productions cinématographiques comme un matériel qu’elle s’approprie pour créer des pièces dans un contexte très différent.   Pour élaborer sur cette caractéristique de son art, il s’appuie sur deux concepts importants qui enrichiront notre réflexion premièrement sur le rôle du spectateur dans Soliloquy Trilogy, puis sur le rôle et le pouvoir de l’image avec qui il dialogue. Tout d’abord, Bourriaud aborde le travail de Breitz en évoquant le concept de la «culture active» qu’il décrit comme «le rejet du spectacle et du visionnement passif».[2] Il suggère ainsi que le spectateur interagit activement avec le travail de l’artiste.  Il propose également par la suite que la technique de sélection et de montage des images qu’utilise Breitz est «une stratégie minimaliste qui comprend l’inversion des effets spéciaux».[3] Il soutient ainsi que la simplification des référents joue un rôle important dans l’œuvre et dans la réaction du spectateur.

            Cet ouvrage consacré uniquement à l’exposition de Candice Breitz au Castello Di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea offre une belle vue d’ensemble de sa production et permet une recherche plus poussée sur le message commun que transmettent ses différentes installations vidéo.  Le texte d’introduction de Marcella Beccaria permet de remonter à la source de sa démarche artistique en revisitant ses origines sud africaines et ses premiers travaux de photomontages. Évaluer son concept au fil de ses idées et de son évolution artistique permet de bien saisir la richesse de son travail ainsi que l’ampleur de son message. Le texte survole également différents aspects caractéristiques du travail de Breitz  qu’il est nécessaire de bien connaître pour comprendre comment ils interagissent entre eux, tels que le rôle du spectateur, la technique du copier/coller, le panorama visuel et auditif, le langage, l’usage du corps, etc.

            Bernard Piton offre dans ce texte un regard intéressant sur le concept de la citation en évaluant à la fois la réaction du public et l’intention de l’auteur.  Il propose trois possibles réactions de la part du spectateur face à une citation, soit le rejet, l’acceptation ou l’indifférence[4], en expliquant leurs caractéristiques et leurs causes respectives. Cette théorie est très intéressante à étudier et il serait pertinent de l’applique à l’oeuvre Soliloquy Trilogie de Candice Breitz puisque cette installation vidéo voyage dans différentes cultures et contextes sociaux, ce qui doit engendrer des réactions différentes de la part du public dépendamment de leur expérience culturelle.  Il est également nécessaire de réfléchir à l’intention de Breitz lorsqu’elle utilise certains matériels cinématographiques, qu’elle en fait une utilisation qui défie les règles de la légalité et qu’elle montre le côté défaillant de ces œuvres à un public qui tend à les valoriser.

            Cette thèse sur la perte de profondeur de l’image dans l’art postmoderne qui est amenée par Christine Roos offre une perspective théorique sur l’aspect très superficiel de l’image.  Candice Breitz fait un juste usage de cette faiblesse de l’image contemporaine, en la considérant comme une force dans sa création et par le fait même une critique de la société ; il est donc intéressant d’étudier en profondeur ce concept.  Ross suggère trois niveau d’aplanissement dans l’image ; une perte de profondeur littérale (volume bidimensionel), métamorphique (logique cognitive) et historique (référents)[5]. Soumettre l’œuvre Soliloquy Trilogie à l’étude de ses trois types de profondeur de l’image serait un exercice qui amènerait plusieurs notions utiles à la compréhension du langage des œuvres de Candice Breitz.

            Cet ouvrage se concentre principalement sur le pouvoir, le rôle et le fonctionnement des médias dans une société qui interagit avec ce type de communication quotidiennement.  Il questionne l’implication du média comme un rôle à part entière dans la formation d’une identité culturelle et en ce point rejoint directement les préoccupations de Candice Breitz dans sa production. Edmond Couchot traite de la confusion voulue entre l’art et la vie, de la communication comme un phénomène interactif et des médias qui interfèrent sur les messages pour y imposer leur propre sens.[6] Puisque l’œuvre de Breitz questionne le bagage culturel de la société par le biais de la vidéo, il est primordial de saisir l’emprise de ce média dans cette même société et ainsi comprendre de quelle façon elle interagit et provoque des réactions chez le public.




Candice Breitz, Soliloquy Trilogy (Sharon Stone), 1992-2000. Video installation, duration 00:07:11:03. Courtesy of Galleria Francesca Kaufmann, Milan.






Candice Breitz, Soliloquy Trilogy (Clint Eastwood), 1971-2000. Video installation, duration 00:06:57:22. Courtesy of Galleria Francesca Kaufmann, Milan.





Candice Breitz, Soliloquy Trilogy (Jack Nicholson), 1987-2000. Video installation, duration 00:14:06:25. Courtesy of Galleria Francesca Kaufmann, Milan.



[1] Allen, Jennifer. «Candice Breitz: From A to B and Beyond». In: Cotter, Suzanne (editor). Candice Breitz: Re-Animations. (Oxford: Modern Art Oxford, 2003) exhibition catalogue. 3. http://www.candicebreitz.net/

[2] Bourriaud, Nicolas. «Post-Production: The Soliloquy Trilogy». Sturm, Martin and Plöchl, Renate (editors). Candice Breitz: Cuttings. (Linz: O.K Center for Contemporary Art Upper Austria, 2001) exhibition catalogue. 1. http://www.candicebreitz.net/

[3] Bourriaud, Nicolas. «Post-Production: The Soliloquy Trilogy». Sturm, Martin and Plöchl, Renate (editors). Candice Breitz: Cuttings. (Linz: O.K Center for Contemporary Art Upper Austria, 2001) exhibition catalogue. 1. http://www.candicebreitz.net/
[4] Piton, Bernard. «Plagiat et citation». Art et Appropriation. Ibis Rouge Editions. Pointe-à-Pitre, 2005. 30.

[5] Ross, Christine. «Profondeur absente de la postmodernité» (Ch. 4). Images de surface : L’art vidéo reconsidéré. Éditions Artextes. Québec, 1996. 24.

[6] Couchot, Edmond. «Médias et immédias». Connexions art réseaux médias. École nationale supérieure des beaux-arts. Paris, 2002. 187-188.